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Actualités diplomatiques

du ministère des Affaires étrangères françaises.

Extraits du point de presse du porte-parole du Quai d'Orsay Accès officiel

Juin 2003 (Suite)

 
Absences de date ? Motifs : pas d'observations ou pas d'archivages
Ndlr : le N° placé devant les infos correspond au classement du jour des questions-réponses du porte-parole.

15 juin 2003 ENTRETIEN DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES, M. DOMINIQUE DE VILLEPIN,

AVEC "RADIO J" - EMISSION "LE FORUM RADIO J"


Ndlr : Radio Juive

- EXTRAITS -

Q - Merci d'être avec nous pour aborder les grands dossiers de politique internationale du moment comme l'avenir de l'Europe avec les conclusions de la Convention, présidée par M. Giscard d'Estaing, comme l'évolution de la situation en Irak et de l'avenir des relations entre la France et les Etats-Unis et bien entendu, l'actualité du Proche-Orient.

Dix jours après le Sommet d'Aqaba, même si les négociations ont repris hier soir entre Israéliens et Palestiniens, la guerre est désormais totale entre Israël et le Hamas.

Comment réagissez-vous à ce nouvel engrenage de la haine, de la terreur et de la peur que nous avons connu ces derniers jours ?

Que proposez-vous pour rétablir la confiance entre les deux peuples ? Quel avenir pour la feuille de route du Quartet ? Quid du rôle de la France et de l'Europe dans cette région du monde ?

Trois semaines après votre voyage à Jérusalem, croyez-vous à une nouvelle lune de miel entre la France et Israël ?

Selon vous, l'accord d'Aqaba a-t-il une chance d'exister ou sommes-nous entrés à nouveau dans la guerre ?

R - Si vous le voulez bien, remettons les choses en perspective. L'accord d'Aqaba se situe dans le cadre d'un travail fait par la communauté internationale, par le Quartet qui réunit les Nations unies, la Russie, les Etats-Unis et l'Union européenne.

Toute la communauté internationale est mobilisée pour avancer vers la paix et aider les deux parties à régler cette crise qui n'a duré que trop longtemps. Ensuite, les Américains se sont engagés et c'est une bonne nouvelle.

Q - Et ils seront engagés en l'absence de la France et de l'Europe à Aqaba ?

R - Ils se sont engagés dans un sommet qui est un sommet des Etats-Unis avec les parties mais il n'en reste pas moins que la communauté internationale est fortement engagée. Vous savez d'ailleurs tous à quel point l'Europe a joué un rôle déterminant dans la rédaction de la feuille de route. Pour une large part, nous avons porté, conçu, tout au long de ces mois, la feuille de route et je crois donc que le rôle de l'Europe ne doit pas être diminué.

L'enjeu, aujourd'hui, est bien d'être capable, à la fois de faire preuve de détermination car nous savons tous que c'est un chemin difficile que celui de la paix et c'est aussi un rappel de la nécessité d'agir ensemble. Nous nous réjouissons de l'engagement américain à Aqaba et à Charm el Cheikh, mais il faut agir ensemble et c'est un signal. Face aux difficultés, nous serons plus forts pour parvenir à régler les obstacles si nous sommes tous mobilisés pour agir face aux risques qui existent.

Q - Cela va-t-il suffire ou la spirale de la guerre n'est-elle pas à nouveau enclenchée ?

R - Le choix, nous le connaissons depuis longtemps. Désormais, nous avons un recul suffisant pour apprécier ce genre de situations. Si aux premières difficultés que nous vivons actuellement, nous nous laissons prendre en otage par les extrémistes, par les groupes terroristes, alors constatons que ce sont eux qui mènent le jeu et ce n'est pas ce que nous souhaitons. Il faut donc être capables d'agir avec détermination et pour cela, il faut être capables d'agir tous ensemble.

J'en appelle donc à un engagement très profond, plus fort encore de la communauté internationale pour contrer tous ceux qui, au moment où l'on parle de paix, au moment où l'espoir revient, se mobilisent pour bousculer, pour écarter cette perspective.

Q - Mais, dans votre esprit, jusqu'où les Israéliens peuvent-ils aller pour empêcher les terroristes de frapper contre les civils ? Il y a là un malentendu fondamental entre les Israéliens qui disent qu'ils ont le droit de lutter contre le terrorisme, de liquider les chefs du Hamas, de tuer les gens dans les territoires, et les Européens qui disent halte aux violences. Où est la légitimité ?

R - C'est un débat très difficile et je n'aurai certainement pas aujourd'hui la prétention de posséder la vérité. Je veux pourtant essayer d'approcher ce que pourrait être un chemin. Israël a droit, comme tout Etat, à défendre sa sécurité ; c'est le premier devoir d'un Etat.

Q - Mais jusqu'où ?

R - La question est de savoir, dans la crise que connaît le Proche-Orient, comment fait-on pour enclencher un processus de paix qui rallie le plus grand nombre et tous les jours davantage de monde pour avancer vers la paix. Il est très important, de ce point de vue, d'avancer résolument dans la paix.

Q - Vous prônez donc la retenue ?

R - Je prône à la fois la retenue et une avancée plus rapide.

Q - De la part d'Israël ?

R - De la part de tous ceux qui sont soucieux de préserver la paix. Pourquoi ? Parce que nous devons adresser des signaux, de part et d'autre pour créer la confiance. La paix, c'est à la fois la confiance et c'est en même temps une énergie, une volonté qui permet de dépasser à chaque étape les difficultés.

Q - Tout à l'heure, vous parliez des groupes terroristes, considérez-vous que le Hamas est une organisation terroriste ou non ?

R - La France dénonce toute forme de terrorisme.

Q - Oui, mais concernant le Hamas en particulier ?

R - Sur cette organisation, il y a sa branche armée qui est condamnée en tant que telle.

Q - En tant que groupe terroriste ?

R - En tant que groupe terroriste et évidemment il n'est pas question de transiger avec ces groupes. Pour le reste, il s'agit bien, à chaque étape, de juger du processus.

Q - Est-il légitime de la part d'Israël de vouloir, d'après le vocabulaire des officiels israéliens, éradiquer le terrorisme en ciblant les chefs terroristes du Hamas ?

R - Lutter contre le terrorisme, c'est l'évidence, c'est nécessaire. La question, c'est comment fait-on pour qu'une politique de sécurité qui est légitime ne conduise pas à plus d'insécurité. Pour faire cela, il faut que la politique de sécurité s'accompagne d'un effort pour enclencher un processus.

Q - Est-ce que cela a été fait à Aqaba et après ?

R - C'est ce qu'il faut faire tous les jours. Ce n'est pas quelque chose que l'on fait une fois pour toutes, c'est quelque chose qu'il faut faire tous les jours. Comment fait-on pour renforcer le camp de la paix ? Comment fait-on pour créer une confiance toujours plus importante ?

Ce qui est important, c'est que les messages adressés par Israël aux Palestiniens permettent de rassembler tous les jours davantage de Palestiniens qui croiront davantage en la paix, auront le sentiment que c'est bien de ce côté-ci qu'il faut se situer et non pas renforcer le clan des sceptiques, ceux qui rejettent la perspective de paix.

Q - Et aujourd'hui, êtes-vous sceptique ou optimiste ?

R - Je suis volontaire et je crois qu'il faut tout faire pour avancer vers la paix. Quel est le constat que nous pouvons faire durant ces derniers mois ? C'est qu'une politique qui mise sur la seule sécurité n'évite pas le regain de terrorisme. La paix est donc aujourd'hui indispensable pour cette région. Nous le voyons bien du côté israélien comme du côté palestinien, il y a une profonde lassitude, il y a aujourd'hui un prix pour la sécurité et pour ce climat de guerre qui est terrifiant au regard des conséquences économiques, humaines. On se rend bien compte qu'il faut prendre un risque, en effet, mais ce risque est celui de la paix.

Q - Lequel ?

R - Ce risque, c'est celui de la paix, celui d'unir nos volontés, celui de nous mettre tous ensemble pour garantir un processus.

Alors, je sais qu'il y a beaucoup d'inquiétudes et de craintes des deux côtés. D'une part, Israël doit savoir que nous faisons partie des Etats qui garantissent la sécurité d'Israël. Nous n'accepterons jamais qu'Israël soit remise en cause. De la même façon, il faut créer un chemin, créer un itinéraire pour que les Palestiniens puissent trouver leur pleine dignité, leur plein épanouissement et ma conviction profonde, c'est que l'intérêt d'Israël est d'avoir à ses côtés un Etat clairement identifié, un Etat palestinien plutôt que cette zone d'ombre qui aujourd'hui peut nourrir tous les jours davantage le terrorisme.

Q - Comme Ariel Sharon l'a dit à Aqaba, il faut un Etat palestinien ?

R - Tout à fait, et je crois que les convictions qu'il a exprimées, les mots qu'il a employés sont des mots très importants et font date.

Q - Mais le Hamas continue d'affirmer qu'il ne veut pas un seul Juif sur ce qu'il appelle la terre de Palestine, c'est-à-dire leur terre dans leur langage. C'est donc aussi une guerre totale contre Israël. On ne peut pas parler de modération dans la riposte, peut-on accepter un attentat qui fait 3 morts et un autre où il y aura 17 morts ? Aucun attentat ne peut être accepté. Sommes-nous d'accord ?

R - Bien sûr, nous sommes tout à fait d'accord là-dessus. Il est bien évident que l'on ne peut accepter aucun attentat. La question est : comment fait-on, face à ces attentats, pour sortir de la situation ?

Q - Pourront-ils faire l'économie d'une guerre civile ?

R - D'abord, constatons un phénomène très important sur lequel l'Histoire ne laisse pas de doute : répondre à la violence par la violence n'a jamais réglé aucune situation.

Q - Alors quelle est la réponse ?

R - La réponse consiste à faire preuve de détermination, à mener une politique de sécurité forte mais en même temps, à avancer résolument dans la voie d'une politique de paix. C'est en cela qu'il faut isoler le plus possible tous ceux qui choisissent la violence et réduire les soutiens dont ils peuvent disposer, en créant une dynamique irréversible de paix.

Q - On ne les isole pas politiquement, on ne peut les isoler que par la violence ?

R - Coupons-les de tout soutien. Le problème du terrorisme, c'est que, très souvent, il vit de complicité, de soutiens, d'une certaine idée et notamment de celle qu'il n'y a pas d'avenir pour le peuple palestinien. C'est le cas du terrorisme qui s'exprime aujourd'hui dans les Territoires. A partir du moment où une dynamique de paix est créée, le peuple palestinien aura vite fait de choisir parce que ce qu'il souhaite, c'est retrouver une vie normale.

Q - Vous dites un fort engagement de la communauté internationale. Vous dites de ne pas laisser les protagonistes face à face dans cette violence, une force d'interposition serait-elle une solution ?

R - De ce point de vue, tout est possible et je voudrais dire à quel point cette crise du Proche-Orient, ce conflit, mobilisent, à un point sans comparaison, toute la communauté internationale ; pour avancer dans le règlement de cette crise, nous sommes prêts à faire tout ce qui est nécessaire.

Q - Sans comparaison à d'autres périodes ?

R - Aujourd'hui, c'est la crise et il y a un accord unanime qui justifie toute la mobilisation de la communauté internationale. S'il faut garantir un processus, nous sommes prêts à nous mobiliser pour se faire.

De ce point de vue, au niveau européen, il y a une unité totale car nous sommes conscients que c'est un enjeu essentiel pour la région, pour Israël, pour ce peuple qui souffre de l'insécurité, pour le peuple palestinien qui veut avoir un avenir ; c'est un enjeu pour la sécurité de l'Europe, pour la sécurité du monde.

Il n'y a pas d'autre crise aussi exemplaire pour l'Europe et pour la France qui justifie à ce point un engagement total. Nous sommes prêts à faire tout ce qu'il faut. Nous l'avons dit à nos amis américains, je l'ai dit à nos amis israéliens et palestiniens. Il y a vraiment une mobilisation totale sur cette crise. A partir de là, il faut se poser la question de savoir quel est le meilleur moyen d'agir.

Q - Pour vous, c'est quoi lorsque l'on parle de forces d'interposition, cela fait-il partie du scénario français ou non ?

R - En matière internationale, il faut être têtu. Nous avons une feuille de route, c'est un miracle, elle est acceptée par tout le monde. Elle est acceptée par les deux parties, par les Arabes, y compris par les pays dits radicaux, elle est acceptée par la communauté internationale. Alors, mettons-la en œuvre. Quel poids faut-il pour garantir ce processus ? Faut-il déployer des forces, faut-il mobiliser des Américains, des Européens, des membres de la communauté internationale ? Faisons-le, évaluons à chaque étape en fonction des difficultés et je rappellerai que ce qui se passe aujourd'hui au Proche-Orient n'est pas une surprise. Nous savons bien qu'un processus qui avance est un processus qui déchaîne forcément le pire et la violence des radicaux, de ceux qui veulent empêcher ce processus. A partir de là, il faut donc faire ce qu'il faut à chaque étape.

Q - A tous les sens du terme, cette idée de force d'interposition prend-elle corps ?

R - Nous avons un premier défi aujourd'hui qui est celui de bâtir un mécanisme de supervision du processus qui sera mis en œuvre. Les Américains souhaitent jouer un rôle essentiel dans ce mécanisme. Je pense, je l'ai dit à Colin Powell, que nous serons plus forts si nous sommes tous ensemble engagés pour soutenir ce processus.

Q - De quelle manière concernant la force d'interposition ? La force d'interposition est une chose, mais la force de supervision en est une autre, ce n'est pas la même chose ?

R - Ce n'est pas la même chose. Engageons-nous tous ensemble dans ce mécanisme de supervision. Si une force d'interposition s'avère nécessaire, je suis convaincu qu'il s'agit de faire respecter la sécurité, il vaudrait beaucoup mieux que cela soit assuré par une force internationale que par une partie seule.

Q - Mais les Israéliens sont d'accord pour la force de supervision qui fait partie de la carte routière prévue, mais ils ne sont pas d'accord pour l'interposition puisqu'ils ont déjà payé le prix notamment au Sud-Liban de ces forces qui ne servaient à rien.

R - Oui, mais nous avons fait certains progrès depuis le Sud-Liban. La communauté internationale n'est pas une matière molle : elle réfléchit, constate, tire des leçons et dans les Balkans, la nature de la force internationale mise en place a évolué. La France en sait quelque chose puisqu'elle a décidé que cette force ne devait pas rester inerte. C'est le président Chirac, souvenez-vous, qui a décidé que cette force devait riposter si nécessaire.

Je crois donc que la communauté internationale grandit, mûrit et qu'elle n'accepte pas l'impuissance. Entre la logique de guerre telle que nous l'avons connue en Irak et le statu quo, la France dit clairement les choses. Nous pensons que la logique de guerre doit être évidemment discutée avec mesure. Elle n'est pas toujours bonne et parfois, elle complique les choses. Mais nous pensons que le statu quo et l'impuissance ne sont pas acceptables non plus. Il faut donc trouver ensemble le moyen d'agir et si une force d'interposition s'avère nécessaire, si l'ensemble des parties le souhaitent, évidemment la communauté internationale la décidera. L'une des grandes règles de la vie internationale, c'est que lorsque vous envoyez une force quelque part, il faut qu'elle ait le soutien de tous.

Nous venons de vivre cette situation une nouvelle fois au Congo. La question qu'a posée la France pour s'engager au Congo, envoyer à Bunia une force qui permettra de pacifier la ville et je l'espère au-delà, c'est que tous soient d'accord : l'Ouganda, le Rwanda et le Congo.

Q - Vous verriez la France faire la même chose dans les Territoires ?

R - Mais la France veut la paix et est donc prête à faire ce qu'il faut. Nous sommes prêts dans le cadre d'un travail et d'une responsabilité de la communauté internationale à nous engager à la mesure de ce qui est nécessaire. Il n'y a qu'une seule chose que je sais : c'est qu'aujourd'hui, laisser faire, laisser se déchaîner la violence sans rien faire, c'est la pire des solutions.

Q - La France tirerait sur des Palestiniens qui essaieraient de s'introduire en Israël s'il y avait des Français ?

R - Si une force était créée et qu'il y ait un principe clair de responsabilité, qu'il s'agissait de défendre la paix, la France ferait ce qui est nécessaire pour défendre la paix.

Q - Vous venez de le dire, le problème maintenant est d'appliquer la feuille de route. Du côté palestinien, le Premier ministre Abou Mazen vous paraît-il capable d'appliquer cette feuille de route ? Vous êtes également allé rendre visite à Yasser Arafat, cela veut-il dire que vous ne croyiez pas au fond de vous que M. Abou Mazen soit vraiment capable de guider le peuple palestinien vers la paix ?

R - Un homme peut-il porter seul une charge aussi lourde que la paix ? La position de l'Europe et de la France est claire : il faut parier, miser sur un gouvernement, sur des forces conjuguées palestiniennes pour avancer dans le sens de la paix. Aujourd'hui le Premier ministre Abou Mazen est décidé à avancer et il le fait avec une équipe solide. Lorsque j'étais là-bas, j'ai eu l'occasion de rencontrer un certain nombre de ministres, celui en charge de la sécurité, celui des Affaires étrangères et j'ai trouvé la même détermination chez tous ces hommes.

Q - L'envol d'Abou Mazen n'est-il pas le crépuscule d'Arafat ?

R - Lorsque l'on veut la paix, il ne faut pas chercher à diviser. Et la position de l'Europe qui est de voir et de travailler avec M. Abou Mazen, de rencontrer M. Arafat est fondée sur cette idée.

Q - Et ce n'est pas celle d'Israël et des Etats-Unis d'ailleurs.

R - En effet, mais je constate d'ailleurs que cette position est celle qui est souhaitée par Abou Mazen lui-même. Pour qu'il puisse agir de façon claire et déterminée, il a besoin que tous les Palestiniens avancent dans le même sens. Lorsque nous rencontrons Arafat, nous répondons au vœu d'Abou Mazen qui est de créer des synergies, une unité.

Q - Abou Mazen a donc besoin de la France pour parler avec Arafat de la paix.

R - Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Q - Non, en effet, mais c'est la question que suscite votre réponse. Abou Mazen a-t-il besoin de convertir Arafat à la paix ?

R - Abou Mazen a besoin de tous les Palestiniens pour avancer.

Q - Il n'a donc pas Arafat pour l'instant.

R - Mais il a besoin de tous les Palestiniens, il a besoin que la communauté internationale ne crée pas de divisions, ne distingue pas les "bons" et les "mauvais" Palestiniens. A partir du moment où les Palestiniens veulent travailler pour la paix, nous devons utiliser cette énergie.

Q - Estimez-vous aujourd'hui que les relations franco-israéliennes sont dans une phase nouvelle après une longue période très difficile ?

R - Je le souhaite et je le crois. Il y a eu, c'est vrai, beaucoup de difficultés, d'incompréhensions et de malentendus au cours des dernières années et cela nous a paru suffisamment important pour que nous en tirions les conclusions et que nous souhaitions donner un nouvel élan à la relation entre la France et Israël, qui est une relation forte sur le plan historique. Vous connaissez l'engagement de la France pour la création de l'Etat d'Israël, c'est une relation nourrie par la qualité de la présence de la communauté juive en France, par la force que représente une communauté juive francophone en Israël. Tout ceci justifiait que l'on donne un nouvel élan à cette relation, indépendamment de tout aspect politique ou diplomatique. Il y a là vraiment une priorité qui mérite d'être donnée.

Q - C'est ce que vous avez dit lundi dans une lettre ouverte publiée en tribune d'un quotidien israélien. Vous disiez que votre voyage en Israël visait à imprimer une nouvelle dynamique à la relation franco-israélienne. Pensez-vous que c'est bien parti ?

R - Je crois qu'il y a, dans la relation entre la France et Israël tellement d'éléments forts à valoriser que nous avons des atouts exceptionnels.

Q - Pourtant il y a eu des appels au boycott, vous l'aurez remarqué ?

R - Oui, mais je crois que nous ne devons pas nous arrêter aux difficultés, aux états d'âmes des uns et des autres.

Q - Les condamnez-vous ces appels au boycott ?

R - Bien sûr mais il y a une chose essentielle entre la France et Israël, fondée sur l'Histoire, sur la culture, sur un échange, y compris dans les valeurs spirituelles. A partir de là, ne négligeons pas cette capacité et pour faire la paix, il faut bien évidemment que nous travaillons avec Israël. Nous souhaitons donc renforcer cette relation, nous souhaitons retrouver la qualité des relations de confiance. Nous souhaitons échanger avec un peuple qui a de profonds liens avec la France.

Q - Y compris par des voyages à haut niveau. Peut-on par exemple imaginer que le président Chirac se rende de nouveau en Israël et que le président ou le Premier ministre israélien vienne en France ?

R - Mais bien sûr. Dans la stratégie que nous avons définie avec nos amis israéliens, nous avons décidé de créer un groupe de haut niveau. C'est une décision que j'ai prise avec le ministre des Affaires étrangères de l'époque M. Shimon Pérès. Ce groupe a été formé avec l'ambassadeur Lancry d'un côté et, côté français, David Khayat, éminent chercheur cancérologue. Ce groupe de haut niveau a beaucoup travaillé et, du côté français, nous avons fait le tour de l'ensemble de nos administrations pour voir les projets qui pouvaient être soutenus, comme la création que j'ai annoncée à Jérusalem d'un Institut français à Tel Aviv, la rénovation complète de notre coopération dans le domaine scientifique, la création d'un forum pour la jeunesse. Je crois que nous devons tisser et renforcer ces liens, nous devons éviter que l'incompréhension, le malentendu ne s'insinuent entre les deux pays.

Q - Et Jacques Chirac en Israël, c'est donc envisageable ?

R - C'est totalement envisageable et je pense que plus nous travaillons ensemble pour la paix, plus cela justifie que nous développions des relations bilatérales. J'ai plaidé pour que plus de ministres français se rendent en Israël, plus d'Israéliens se rendent en France, nous avons un capital à développer entre Israël et la France.

Q - Pour prolonger la question, cette visite serait-elle envisageable en 2003 ?

R - Ce qui est important, c'est de travailler dans le cadre d'une dynamique. Nous voulons tous que se développent ces relations. Nous déterminerons avec les Israéliens quel est le bon moment pour une telle visite, d'un côté ou de l'autre, et il s'agit véritablement de faire en sorte que nos deux pays, nos deux Etats puissent travailler davantage ensemble et en confiance.

Q - Il y a des attitudes positives malgré cette guerre qui dure depuis bientôt trois ans, y compris des entreprises comme France Télécom qui ont continué d'investir en Israël, avec des entreprises israéliennes ou dans ces entreprises. Continuez-vous à encouragez cela mais d'une manière vraiment positive en disant : "allez-y maintenant" ?

R - C'est aujourd'hui une nécessité. Il y a près de 6000 entreprises françaises qui travaillent avec Israël. La crise économique et financière a particulièrement touché Israël et je suis frappé à chaque visite de constater à quel point Israël paie un lourd tribut à la guerre et à cette situation de tension qui perdure dans la région. Evidemment, nous souhaitons tous que le contexte général puisse s'améliorer. Chacun connaît la capacité d'innovation, la capacité d'entreprise des Israéliens et, de ce point de vue, il y a un véritable partenariat car nous avons des compétences partagées. Je l'ai dit, dans le domaine de la science par exemple, cela mérite d'être valorisé.

Q - Au Proche-Orient, il y a un changement important avec l'Irak, la chute de Saddam Hussein et l'occupation américaine du pays. Qu'est-ce que cela vous inspire pour l'avenir du Proche-Orient ? Tout compte fait, pensez-vous a posteriori que cette intervention américaine a été négative ?

R - Je me garderai de jugements de valeur tranchés sur des dossiers et des sujets aussi difficiles. Je constaterai tout simplement qu'il n'y a pas de baguette magique, il n'y a pas de solutions miracles, ni en Irak ni au Proche-Orient. Il y a la détermination, la volonté, la capacité à travailler dans la durée. En Irak, nous sommes dans une situation nouvelle, nous nous félicitons et nous réjouissons de la chute du régime de Saddam Hussein mais les choses ne sont pas réglées et nous voyons bien qu'il y a encore beaucoup à faire sur le plan humanitaire pour permettre de créer des conditions plus favorables pour le peuple irakien. Nous voyons qu'il y a encore beaucoup à faire dans le domaine de la sécurité. Et l'offensive menée par les Américains dans la région nord pour éradiquer ce qui reste encore de contestations violentes ouvertes en est encore un signe.

Q - Pensez-vous qu'il y a plus de voix occultées ?

R - C'est une vraie question. Il y a une situation différente en Irak selon les régions. On constate que dans la région kurde où une tradition s'était créée au fil des années d'une prise en main par le régime, la situation est à peu près stabilisée. Nous constatons que dans la région chiite, il y a encore des incertitudes mais que, globalement, l'espoir est là. La vraie difficulté est surtout du côté des Sunnites qui étaient le principal soutien du régime de Saddam Hussein et qui aujourd'hui sont inquiets parce qu'ils se sont vus coupés de l'armée, des emplois de la haute administration et de la fonction publique. Il y a donc une inquiétude. A partir de là, comment faire pour réamorcer un nouveau processus ? Nous avons accepté de voter la résolution 1483, elle a d'ailleurs été votée à l'unanimité, ce qui marque l'engagement de la communauté internationale pour travailler à la reconstruction de l'Irak. Nous pensons là encore que plus la communauté internationale sera unie, plus elle se mobilisera, plus nous aurons de chances rapidement d'avancer dans le reconstruction.

A mon sens, il y a une priorité, faire en sorte que la souveraineté irakienne, que la capacité des Irakiens à prendre eux-mêmes leur destin en main soit très vite réaffirmée. Plus vite nous aurons des interlocuteurs irakiens, plus vite une administration irakienne se mettra en place, plus vite, je crois, ces contestations violentes auxquelles nous assistons pourront régresser. Il y a là un principe politique, un principe humain qui me paraît fondamental.

Q - Je voudrais juste revenir sur le Hamas car il y a une déclaration cette semaine de Leïla Chahid qui est relativement importante : elle disait que le Hamas était financé en partie par la zakat, c'est-à-dire l'aumône recueillie dans les mosquées. Elle parlait de mosquées européennes et notamment françaises. Comment cela vous fait-il réagir ?

R - Il est bien évident que tout soutien à ce qui pourrait ressembler à des organisations mobilisées pour le terrorisme est inacceptable. En ce qui concerne le Hamas, il est important de distinguer ce qui peut être un mouvement politique et ce qui peut être un mouvement militaire, un soutien éventuel du terrorisme. La situation générale sera examinée en particulier par les Européens et ce dès le début de la semaine.

Q - Une déclaration de Javier Solana dit également que l'Union européenne voulait trouver les moyens d'arrêter ces financements internationaux.

R - Dès le début de la semaine prochaine, nous nous réunirons pour examiner cette situation. Croyez bien que notre détermination à agir pour éradiquer toute forme de terrorisme est entière.

Q - Concernant l'Irak, cette intervention américaine et cette nouvelle donne au Proche-Orient peuvent-elles faciliter ou au contraire compliquer une avancée vers un règlement israélo-palestinien ?

R- C'est un sujet qui a été dans le passé fortement débattu. Fallait-il passer par Bagdad pour régler la situation à Jérusalem ou fallait-il au contraire commencer par Jérusalem ? C'est un sujet difficile et je crois que l'on ne fera pas l'économie d'un très fort engagement dans les deux crises.

Pour avancer dans le règlement de la situation irakienne, il est certain que la mobilisation de la communauté internationale est tout à fait indispensable et c'est un chemin difficile car il faut, partant aujourd'hui d'une situation de vide, construire une nouvelle donne politique, relancer une économie, et chacun voit que c'est une chose compliquée de maintenir des équilibres sociaux, d'éviter la fragmentation d'une société très complexe composée de tribus, de diverses communautés et religions, le tout dans une situation régionale extrêmement tendue.

Q - Craignez-vous encore que l'on puisse aboutir à une division de l'Irak et à une partition ?

R - Je pense que, la situation régionale étant ce qu'elle est, il ne faut pas écarter ce risque et nous devons agir avec détermination et prudence. La France a appuyé la recherche d'un retour des Nations unies, nous sommes convaincus que cette résolution 1483 le permet, et vous savez que c'est un principe essentiel auquel nous sommes très attachés. Je pense que la nomination de Vieira de Mello, le Haut-Commissaire aux Droits de l'Homme est un atout pour la communauté internationale.

Q - Aimeriez-vous qu'un Français puisse avoir des responsabilités dans l'administration civile en Irak ? Un Français comme Bernard Kouchner par exemple ?

R - La question ne se pose pas aujourd'hui. Il est bien évident que dans le processus qui va se mettre en place, les Nations unies, c'est ma conviction, vont avoir des responsabilités de plus en plus fortes tout simplement parce qu'elles en ont la capacité et l'expérience. Souvent, cela fait la différence. Aujourd'hui, l'administration civile et l'ONU entretiennent de bonnes relations. M. Vieira de Mello s'est entretenu récemment avec Paul Bremer, ils travaillent ensemble au quotidien. Il faudra aller plus loin pour conforter ce processus et à partir de là, que la communauté internationale s'implique davantage, que la France soit amenée à prendre toute sa part. Bien évidemment, c'est possible, cela suppose que le cadre légal qui pourra être donné soit renforcé et en particulier que les Nations unies fixent clairement ce cadre.

Q - Lorsque vous faites le bilan de ces derniers mois de l'évolution de la crise irakienne, estimez-vous que la France est allée trop loin, que vous-même, vous êtes allé trop loin, ou êtes-vous resté dans votre rôle ?

R - Le choix de la France, c'est le choix du respect du droit et du respect des principes. Va-t-on trop loin lorsque l'on respecte le droit et les principes ? C'est l'idée que les Nations unies soient détournées de leur objet. Je le rappelle, l'objectif des Nations unies, l'objectif de la communauté internationale, y compris pour les Etats-Unis, a été depuis le début, et c'est pour cela que nous avions voté la résolution 1441, le désarmement de l'Irak. Dans cette voie, nous sommes allés aussi loin que possible pour défendre cet objectif. A aucun moment, l'idée d'un changement de régime, l'idée d'un remodelage du Moyen-Orient n'avaient été évoquées.

Aujourd'hui, nous sommes dans une situation nouvelle, regardons vers l'avenir, mobilisons-nous tous ensemble et la volonté de la France est d'apporter tout son concours à la recherche d'une solution.

Q - Cela vous étonne-t-il que l'on n'ait trouvé aucune arme de destruction massive en Irak ?

R - Lorsque l'on a travaillé avec nos amis américains et la communauté internationale, nous avions évoqué un risque de déstabilisation par ces armes de destruction massive. Si nous avons choisi d'envoyer là-bas des inspecteurs des Nations unies, c'est bien pour en avoir le cœur net et cela ne fait évidemment que renforcer le regret que ces inspecteurs n'aient pas pu aller jusqu'au bout de leur mission. Lorsque je parle de regret, ce n'est pas un regret purement historique, c'est parce que nous voyons, dans d'autres régions du monde, des crises ou des menaces de prolifération qui existent et qui justifieraient que les Nations unies puissent, là encore, se mobiliser. Nous avons besoin d'un outil comme celui des Nations unies.

Q - Vous venez d'évoquer les principes auxquels sont attachés les responsables français. Estimez-vous que si une ou plusieurs démocraties ont, d'une certaine manière, au moins "bluffé" sinon menti pour présenter et pour dire qu'il y a des risques de détention d'armes chimiques et si ce montage est révélé, est-ce grave pour les démocraties ? Pour être plus clair, estimez-vous que George Bush et Tony Blair ont menti ?

R - Il ne m'appartient pas, vous le comprendrez, comme chef de la diplomatie française, de rentrer dans un tel débat. La mise en place de commission est envisagée pour faire la lumière aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

Q - Avez-vous pensé à cette possibilité ou non ?

R - Laquelle ?

Q - Que George Bush et Tony Blair aient menti ?

R - Une fois de plus, ce n'est pas à la France de porter des jugements sur des amis et des alliés. J'ai dit sur quelle base et à partir de quelle conviction la France a agi.

Je comprends votre question, vous comprendrez ma réponse.

Q - Ma question était, si cela s'avérait, serait-ce grave pour la démocratie ?

R - Je crois que ce qui est important, c'est que nous respections les règles du jeu que nous fixons et en l'occurrence, lorsque nous avons décidé de nous mobiliser avec les Nations unies, la règle du jeu était l'objectif du désarmement. Il est important que la communauté internationale travaille sur des bases claires.

Q - Aujourd'hui il y a beaucoup d'inquiétudes sur la prolifération nucléaire à propos de l'Iran qui a un programme nucléaire qui pourrait avoir des implications militaires, cela remet-il en cause la politique européenne et française de dialogue avec l'Iran ?

R - La position de l'Europe, comme la position de la France, est d'une extrême clarté et prend en compte la situation que vous évoquez et le risque de prolifération. Dans les récents déplacements des responsables de l'AIEA, nous avons constaté qu'il y avait des questions. A partir de ce moment-là, et nous avons fait le même cheminement sur l'Irak, il est évident que la communauté internationale ne peut pas rester sans réagir. Qu'avons-nous fait ? J'étais en Iran il y a quelques semaines pour demander aux Iraniens de se mobiliser pour donner toutes les garanties dans ce domaine, une garantie de respect des règles internationales, une garantie d'un engagement très clair pour éviter ce risque de prolifération. Nous avons notamment demandé à l'Iran qu'il signe le protocole additionnel de l'AIEA 93+2. De ce point de vue, il n'y a pas d'ambiguïté et nous sommes mobilisés, les Européens et les Français, pour que l'Iran prenne et marque clairement son engagement.

Q - Vous êtes acteur et témoin en temps réel. Sentez-vous l'administration américaine, après le conflit contre l'Irak, "bouger" sur certains dossiers. Reprenons par exemple le cas de l'interposition. Jusqu'à présent, les Etats-Unis y étaient plutôt hostiles. Les Etats-Unis vous semblent-ils "bouger" sur la possibilité d'une force d'interposition entre Israéliens et Palestiniens ? Vont-ils vers le scénario qui semble être celui qui a votre préférence ?

R - Je vous dirai ma conviction, nous ne pouvons pas voir se dégrader la situation au Proche-Orient, voir la violence reprendre sans réagir. Nous sommes tous engagés, nous avons tous plaidé pour un nouvel engagement au service de la paix au Proche-Orient, il faut que nous tirions à chaque étape les conclusions et que nous essayions de reprendre pied justement pour encourager la paix. A partir de la situation nouvelle créée au cours des derniers jours et des dernières semaines, il faut que la concertation internationale se poursuive et s'approfondisse. Le Quartet se réunira au niveau des experts dans les prochains jours, il va se réunir au niveau ministériel également, nous allons parler de tout cela.

Nous avons tous ensemble un objectif commun, il faut donc que nous cherchions à prendre les décisions très concrètes qui peuvent appuyer cet effort.

Q - Avant de prendre des décisions, que dira le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin à ses collègues au sujet justement de cette force d'interposition ?

R - Il dira : étudions la faisabilité d'une telle force, voyons ce qu'une telle force pourrait apporter sur le terrain et, s'il apparaît que l'ensemble des parties le souhaite et qu'une action de la force d'interposition permette d'enrayer les mouvements terroristes ou d'agir de telle façon à ce qu'elle ne crée pas un phénomène de surenchère, décidons de le faire.

Q - D'après les indicateurs que vous avez par rapport à l'administration américaine, sentez-vous qu'elle "bouge" sur ce sujet ?

R - Vous me permettez de le dire très clairement. Il y a plusieurs écoles actuellement sur la scène internationale. Il y a ceux qui disent que les Américains se sont engagés ponctuellement et ont d'abord visé à obtenir un succès à l'occasion d'Aqaba et de Charm-el-Cheikh mais que le calendrier électoral rendra impossible la poursuite de ces efforts. Moi, ce n'est pas ma conviction. La communauté internationale, les Américains, sont fortement engagés en Irak et au Proche-Orient. A partir de là, on ne peut pas "laisser tomber" les choses. Il y a du côté d'Israël une mobilisation dans le sens de la paix, c'est la même chose du côté des Palestiniens, on ne peut pas "laisser tomber" ceux qui croient aujourd'hui à la paix dans cette région. Ce ne serait pas même maintenir le statu quo, ce serait régresser, adresser à ceux qui soutiennent la violence et le terrorisme le signal qu'ils ont gagné. Ceci est inacceptable. Donc, le calendrier électoral américain ne marquera pas une pause, nous serons obligés, les uns et les autres, de maintenir nos efforts durant toute cette période.

Q - Avant la pause, vous disiez que, de toute façon, pour qu'une force d'interposition puisse effectuer correctement son travail, il faudrait que toutes les parties soient d'accord. Maintenant, vous dites que vous allez quand même travailler là-dessus alors que vous savez que les Israéliens y sont totalement opposés. Cela veut-il dire que vous allez tenter de l'imposer aux Israéliens ? Essaierez-vous de les convaincre de force ?

R - La force n'est certainement pas l'instruction que nous voulons donner. Là encore, et c'est l'une des grandes clefs des relations internationales que l'on a tendance à oublier, de grand-messe en grand-messe, de grandes célébrations à grand renfort de spectacle. Il faut que la communauté internationale travaille. Mettons-nous autour d'une table, tous, et examinons les choses. Voyons quel est l'intérêt de tous. Souhaitons-nous à nouveau une surenchère de violences qui marquera une situation pour Israël encore plus difficile dans quelques mois ? Est-ce que la politique de sécurité seule, qui a été menée depuis plusieurs années, donne des résultats ? Israël est-elle aujourd'hui plus en sécurité qu'elle ne l'était il y a six mois ? La situation des Palestiniens est-elle aujourd'hui plus facile qu'elle ne l'était il y a quelques années ?

Constatons que nous sommes dans une spirale. A partir de ce moment-là, soyons lucides, réagissons, faisons preuve d'imagination, examinons quelles sont les options et je n'ai pas de doute, étant tous de bonne volonté, nous souhaitons tous la même chose : nous voulons qu'Israël puisse vivre en sécurité, nous voulons que les Palestiniens puissent avoir un avenir. Je pense pour ma part avec beaucoup de force que la création d'un Etat palestinien rendra les choses plus faciles, permettra une plus grande lisibilité, une plus grande prise de responsabilités dans cette région. J'ai aussi la conviction qu'au-delà de la dimension de la sécurité, au-delà de la dimension politique, la dimension du développement est essentielle. Si nous offrons une perspective de développement pour toute cette région, et nous connaissons les synergies qui peuvent exister…

Q - Vous parlez de Shimon Pérès il y a déjà dix ou quinze ans ?

R - Je rappelle un chiffre. L'ensemble du monde arabe représente 0,5 % des investissements internationaux, c'est misérable ! Comment voulez-vous que la paix puisse apparaître d'actualité alors même que le monde arabe n'est pas inséré dans les échanges internationaux ? Réintéressons cette région au développement, faisons en sorte d'appuyer les processus de modernisation.

Q - Mais l'Europe n'est pas responsable du désintérêt des Arabes de l'investissement, nous n'avons pas forcément à en porter le poids politique et commercial.

R - Oui, mais il se trouve que c'est notre intérêt. L'Union européenne est le premier partenaire d'Israël, comme des Palestiniens. C'est notre intérêt de sécurité, notre intérêt culturel. Je vous rappelle la présence, y compris chez nous, de ce monde musulman : 5 millions de musulmans en France, d'importantes communautés qui existent dans des pays comme l'Angleterre ou comme l'Allemagne, c'est un défi. Réussira-t-on à avancer tous ensemble ou non?

Ma conviction est qu'il faut prendre de grandes décisions. Ne négligeons pas, et je l'ai redit hier solennellement au Sénat, lors d'une conférence qui était sur le thème "Islams et Occidents", ne négligeons pas qu'il y a une donnée nouvelle sur la scène internationale depuis la chute du mur de Berlin, c'est l'importance donnée aux identités, aux principes culturels et religieux. Si nous ne sommes pas capables de tisser des liens de compréhension, de tolérance les uns avec les autres, nous renforcerons alors ces extrêmes, ces mouvements de violences. C'est donc un travail global qu'il faut faire.

Q - La France est-elle encore écoutée à Washington après la crise irakienne, sur la question du Proche-Orient comme sur d'autres d'ailleurs ?

R - C'est une question intéressante car je peux vous dire, ayant passé en revue l'ensemble des dimensions entre la France et les Etats-Unis, que la qualité des coopérations qui existe entre nos deux pays est tout à fait exceptionnelle et n'a cessé de se renforcer.

Prenons des exemples simples, nous parlions de violences ; en ce qui concerne le domaine du renseignement et de la sécurité, s'il y a deux pays qui travaillent ensemble avec efficacité et compte tenu de leurs compétences respectives, c'est bien la France et les Etats-Unis.

Q - Et pourtant, on parle de boycott des produits français aux Etats-Unis ?

R - Distinguons les choses, qu'il y ait eu une phase difficile dans les relations entre la France et les Etats-Unis, que ces difficultés aient pris une forte dimension, appuyée notamment par l'écho médiatique qui leur a été donné, c'est l'évidence. Il faut tout faire pour enrayer cela, revenir, expliquer, c'est ce que nous essayons de faire. Et je crois que la meilleure façon d'avancer, c'est aussi d'agir et c'est ce que nous faisons avec nos partenaires américains. Je peux vous dire que la qualité des relations que j'entretiens avec mon homologue Colin Powell, la confiance qui existe entre le président Bush et le président Chirac en témoignent. Il y a là au quotidien une relation très forte. C'est la concertation par exemple que nous avons sur toute une série de grandes crises.

En Afrique prenons par exemple la capacité que nous avons de nous mobiliser sur certains théâtres. L'exemple de l'Afrique est là pour en témoigner. Il y a encore quelques jours, il fallait évacuer des communautés étrangères dont un certain nombre de ressortissants américains au Liberia. Qui l'a fait ? La France.

Q - Peut-on dire qu'il y a une sorte de partage des rôles, les Etats-Unis s'occupant en premier lieu et de manière importante du dossier du Moyen-Orient et la France jouant son rôle habituel en Afrique ?

R - C'est un leitmotiv que j'entends et que je lis depuis quelques semaines, que la France aurait été évincée du Moyen-Orient. Mais permettez-moi de vous dire, car je suis allé à trois reprises dans cette région au cours des dernières semaines, que ce n'est absolument pas vrai. Le poids de la France au Moyen-Orient est extrêmement important, peut-être plus important qu'il ne l'a jamais été. A partir de là, constatons la capacité d'influence de nos pays. Nous avons des relations privilégiées et une capacité de connaissance et de compréhension qui justifient que nous soyons mobilisés, en liaison notamment avec nos amis américains. Le président Bush l'a dit lui-même, reconnaissant l'expertise et la connaissance françaises de cette région. Et c'est bien en mettant bout à bout l'ensemble de ces capacités que nous parviendrons à travailler ensemble pour la paix.

Q - La feuille de route spécifique pour la Syrie et le Liban pour le processus de paix avec Israël, y travaillez-vous ?

R - Nous y travaillons parce que pour parler de paix, il faut que cette paix soit globale, c'est-à-dire que l'ensemble des parties concernées puisse avancer dans la même direction. Il faut une paix évidemment entre Israël et les Palestiniens, il faut aussi régler les problèmes qui se posent avec la Syrie et le Liban. L'idée d'une feuille de route qui prenne en compte cette dimension nous paraît tout à fait essentielle.

Q - Et la feuille de route de Valéry Giscard d'Estaing en Europe ? Est-elle parvenue à son terme ?

R - Vous me permettez de le faire aujourd'hui, je veux saluer l'action qui a été celle du président de la Convention M. Giscard d'Estaing. Tout au long de ces 16 derniers mois, il a fait un travail exceptionnel.

Q - Pourtant Romano Prodi dit aujourd'hui dans "Le Journal du Dimanche" qu'il n'est pas allé assez loin ?

R - Bien sûr, tout le monde souhaite aller plus loin et c'est d'ailleurs la marque que l'idée européenne est une idée vivante. Mais enfin, qui, il y a 16 mois, aurait parié que nous puissions arriver à un consensus au sein de la Convention ? J'étais vendredi à la Convention et je peux vous dire, parlant aux uns et aux autres, aux 105 conventionnels qui étaient présents, que c'est un miracle qui a été réalisé. Alors, cette Europe, nous sommes tellement nombreux à la souhaiter encore plus forte qu'il faut continuer de travailler. Je constate que le schéma institutionnel qui a été porté par la Convention, qui renforce les trois pôles institutionnels de l'Europe, la Commission, le Conseil européen et le Parlement fixe un cadre qui nous paraît essentiel. Nous voulons tous plus d'Europe dans le monde d'aujourd'hui. L'Europe a un rôle essentiel à jouer parce qu'elle représente une expérience, des aspirations si diverses qu'elle est vraiment un trait d'union entre plusieurs mondes. Nous avons besoin de l'expertise, de la sagesse et de l'expérience de l'Europe.

Q - La Convention nous propose un ministre des Affaires étrangères européen qui sera nommé par le Conseil européen. Le ministre des Affaires étrangères de la France aura-t-il encore un rôle à jouer lorsqu'il y aura un ministre des Affaires étrangères européen ?

R - Bien évidemment. L'objectif, c'est une politique étrangère commune, ce qui ne veut pas dire une politique étrangère unique. Cela veut dire que sur tous les sujets où l'Europe doit jouer un rôle plus important, je parle des crises, des grandes lignes de la diplomatie européenne, cet engagement doit être plus marqué, plus exigeant.

Prenons l'exemple des Balkans. Nous sommes fortement engagés, nous avons pris le relais de l'OTAN en Macédoine, demain nous le prendrons en Bosnie. Nous sommes engagés dans la première opération européenne, hors de l'Europe, en Afrique, en Ituri au Congo, avec la France comme nation-cadre et tout ceci justifie qu'il y ait un ministre des Affaires étrangères qui, en permanence, cherche à voir quelles sont les capacités de l'Europe.

Q - Et concernant le rôle de M. Giscard d'Estaing, à l'avenir, serait-il plutôt celui de ministre des Affaires étrangères européen ou de président de l'Europe ?

R - Je pense qu'il faut être sérieux, le président Giscard d'Estaing est un homme de grande expérience et moi je souhaite pour ma part qu'il puisse continuer à travailler au service de l'Europe, que la Convention puisse, sous une forme ou sous une autre, accompagner les réflexions de la Conférence intergouvernementale et il est évident que les qualités et l'exigence qu'il a déployées au service de l'Europe méritent non seulement d'être récompensées mais d'être utilisées à plein.

Q - Vous parliez hier au Sénat des conditions d'admission de la Turquie à l'Union. Parmi ces conditions, pour que la Turquie soit admise au sein de l'Union européenne faut-il que le gouvernement turc reconnaisse la responsabilité de l'Empire ottoman dans le génocide arménien ?

R - Vous parlez de feuille de route, c'est un mot à la mode. C'est vrai qu'à Copenhague, nous avons fixé le cap pour la Turquie, l'exigence de réformes indispensables qui doivent être faites. Ces réformes, c'est d'abord l'alignement politique de la Turquie, l'exigence commune que nous devons avoir en partage sur le plan de la démocratie. Ne mélangeons pas les genres, il faut éviter de compliquer les choses davantage même s'il est bien évident qu'est importante la capacité que peut avoir une démocratie à regarder son passé avec exigence.

Q - Comme l'a fait la France ?

R - En effet, le président Chirac, vous l'avez entendu en 1995 dans son discours du Vel d'Hiv, a rappelé il y a quelques semaines à l'Elysée en recevant le CRIF, les fautes inavouables, inexpiables de la France, ses fautes inexcusables ; je crois qu'il y a une responsabilité française.

Q - La Turquie devrait-elle utiliser les mêmes termes pour reconnaître la responsabilité des autorités ottomanes dans le génocide arménien ?

R - Une fois de plus, ne confondons pas les choses, l'exigence posée par l'Europe d'une conformité aux règles politiques et démocratiques, de ce travail qui est celui de la mémoire, qui demande parfois du temps et qui obéit à d'autres logiques. C'est un travail qu'une démocratie doit être capable de faire sur elle-même, qui demande une maturation et du temps ; je crois que la logique des conditions est parfois antagoniste et ne fait que durcir des attitudes. Cela participe d'un travail qu'un pays doit être capable de faire sur lui-même mais ce n'est pas dicté de l'extérieur. (…) ./.




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