De notre correspondant en Allemagne, Aristide VIALA

Allemagne : Les damnés d'une politique ségrégationniste - 12 juillet 2005

Nul n'est sans savoir que l'Allemagne reste un pays privilégié pour la plupart des immigrés issus du tiers-monde.

Cependant si ce pays reste une destination de choix pour les candidats à l'exil, il n'en demeure pas moins que la législation en vigueur dans le cas de l'asile est l'une des plus drastiques de l'Europe contemporaine.

Etre demandeur d'asile au pays de Goethe relève d'un calvaire indicible, d'un piège sans fin où le requérant d'asile s'aperçoit au fil du temps que sa liberté de mouvement et d'action sont interdits.

Comment pourrait-on imaginer un instant que l'Allemagne de Schröder qui se veut un pays ultra moderne et sensible aux valeurs universelles impose des lois qui vont à l'encontre du bons sens et des valeurs éthiques ?

Si on estime que le fait même de demander l'asile est un geste de bonne foi et de respect affiché par le demandeur qui se conforme de facto á la législation en vigueur de ce pays, on a du mal á comprendre pourquoi les autorités allemandes compliquent et aliènent l'existence de ces hommes de peine qui ne demandent qu'à vivre.

L'Allemagne demeure aujourd'hui le seul pays en Europe où le requérant d'asile se voit délimiter son espace ; c'est-à-dire que si ce dernier vit par exemple dans le bas-saxe, il ne peut de son gré se déplacer pour rendre visite à une connaissance dans la Bavière que s'il est muni d'une autorisation de sortie délivrée par un agent de la police étrangère (Auslanderbehörde). En revanche, s'il persiste à voyager de son propre chef (sans autorisation de sortie), il encourt des risques, puisque s'il venait à être contrôlé par les services de l'ordre, il se verrait frapper d'une amende. Au-delà de la limitation d'espace s'ajoute bien de phénomènes qui rendent toujours la vie plus compliquée á ces jeunes qui chaque année fuient leurs pays d'origines pour moult raisons.

Etant donné que l'Allemagne est une fédération de seize états (LÄNDER), les problèmes diffèrent d'une région à l'autre. Ceci étant, les requérants vivant dans l'ancien bastion soviétique (ex-RDA) n'ont pas droit à l'éducation, au travail rémunéré, ni au cours de langue.

Cependant, selon la loi en vigueur, tout requérant ayant fait au moins un an sur le territoire allemand a droit à un permis de travail. Cette situation chaotique accroît la précarité de l'existence même de ces gens qui vivent en marge d'une société qui les considère comme des parias. Cet état de choses pousse bon nombre de ces jeunes à accomplir de gré ou de force de basses besognes, à commettre des larcins ou à servir d'intermédiaires aux réseaux mafieux de la drogue.

Outre ces problèmes, s'ajoute un autre cas de figure que l’on évoque pas, et qui constitue un vrai drame pour les requérants déboutés et les personnes dont l'identité est mitigée ou non-reconnue ; c'est justement les fameux camps de déportations implantés dans divers coins de l'Allemagne.

S'étant inspiré des camps de déportation « made » in Netherlands les autorités allemandes et plus précisément celles du bas-saxe ont importé ce modèle en Allemagne ; en 1998, les premiers camps de déportation furent construits sous l'impulsion de l'actuel chancelier Schröder qui était à cette époque, ministre président de cet Etat.

A ce jour, on dénombre 7 camps de déportations dont le tristement célèbre camp de déportation d'HALBERSTADT situé à l'est de l'Allemagne.

Halberstadt ressemble à un champ de ruines ; c'est un "continent" isolé où la vie a perdu son sens , et où vivent les damnés d'un monde injuste. Là-bas, la vie humaine est désacralisée au nom d'une politique ségrégationniste.

A Halberstadt, c'est l'impossible secours, c'est l'impossible recours ; c'est un univers forclos où le mot "HUMANITÉ" est dépourvu de son sens, où sont entassés des forçats, des hommes et femmes qui un matin ont quitté leur terre pour se jeter dans l'inconnu en ayant en tête que là-bas, leur rêve prendrait forme, ironie du sort, ils réalisent très vite sur cette terre d'exil qu'ils ne sont pas toujours les bienvenus.

Pour les coeurs sensibles, ce coin hideux qu'est Halberstadt n'est pas si différent de GUANTANAMO (CUBA).Ces malheureux n'ont accès à aucune aide sociale, même manger et se faire soigner décemment sont une quête du graal. L'histoire tragique de John Williams, un requérant débouté qui passa de vie à trépas le 3 avril 2004 faute de soins, et dont le décès fut révélé six mois plus tard, traduit bien ce climat de stupeur dans lequel vivent ces gens et relance la polémique sur le bien fondé de ces bicoques où sont rassemblés des êtres qui en fait n'ont commis aucun crime.

En revanche, le ministre de l'interieur de Saxe-Anhalt en la personne de Klaus Jeziorssky (NDLR. Slave d'origine) considère que ces camps ont bien leur sens... déclaration que contredisent les organisations de défense des droits de réfugiés et certains mouvements de jeunes très actifs à l'instar de Kathrin REICHELT, Rainer Pommrich, Antonia MBUTA, Jens FRIEDRICH pour ne citer que ceux-là. Tout ce monde mène un combat de front contre ce phénomène discriminatoire, mais avoue aussi que le combat sera plus long et difficile tout simplement parce que l'opinion allemande ne se sent pas concernée par cette triste réalité et qu'elle est plutôt favorable á l'extradition pure et simple de tous les étrangers. La majorité des allemands considère que la crise économique qui frappe de plein fouet leur pays est due à l'arrivée en masse des étrangers. L'Allemagne compte quelques 7,3 millions d'étrangers.

A l'heure où les pays de l'UE semblent harmoniser leurs positions pour consolider leur unité, il convient aux instances allemandes de revoir leur politique d'immigration, et de fermer ces "taudis" qui ne font pas honneur à ce pays qui entend faire table rase de son passé trop sombre.


Aristide VIALA

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