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L'extraordinaire
aventure du béton -
1er mars 2006
Peu ordinaire, en effet,
est l'histoire de
l'invention de ce
matériau de construction
dont l'apparente
banalité ne trompe que
le regard superficiel. Il
suffit, pour s'en
convaincre, de lire
attentivement le savant
et passionnant ouvrage de
l'architecte Cyrille
Simonnet "Le Béton
: histoire d'un
matériau"
(éditions Parenthèses,
2005, 222 pages).
Quoique majoritairement
utilisé depuis une
cinquantaine d'années
sur les chantiers de
bâtiment et de travaux
publics, le béton est
souvent et de manière
indissociable lié à un
«déficit
d'iconicité». Le
bétonnage de nos cités,
et au premier chef de nos
banlieues, n'a pas bonne
presse. Lourdeur,
laideur, grisaille : on
ne sait plus quels griefs
inventer à l'encontre
d'un matériau qui, de
surcroît et
développement durable
oblige, a commencé à
s'attirer les foudres des
adeptes d'un habitat sain
et écologique. Dans le
même temps, comment
rester insensible, par
exemple, aux lignes
élancées et
majestueuses des piles du
viaduc de Millau ou aux
incontestables
innovations
architecturales d'un
Anatole de Baudot, d'un
Auguste Perret, d'un Le
Corbusier ? «Le ciment
armé, écrivait déjà
en 1911 un rédacteur de
la revue "Ciment
armé", tout en
conservant l'aspect
extérieur de la
maçonnerie, possède des
muscles d'acier et peut
défier les difficultés
statiques, étendre des
bras élancés, s'élever
en formes sveltes et
ténues.»
Indépendamment de toute
considération
esthétique,
l'apparition, sur les
chantiers de
construction, de cette
«boue» ou «pâte de
pierre» qui est venue
concurrencer les
matériaux traditionnels
(pierre et bois) ou même
le métal est par
elle-même digne
d'intérêt. Déjà, en
1807, Fleuret
s'interrogeait sur
«l'art de composer des
pierres factices aussi
dures que le caillou».
Quelles qu'en aient été
les raisons techniques et
économiques, l'invention
de ce procédé de
construction était et
demeure révélatrice
d'un savoir-faire sans
cesse renaissant. Forts
de leur expérience des
matériaux naturels
qu'ils se contentaient
jusqu'alors de façonner
et mettre en oeuvre, les
bâtisseurs se dotaient
d'un nouveau matériau
totalement
"artificiel",
issu d'éléments
naturels, certes, mais
transformés. Un
matériau qui, très
rapidement, allait
permettre toutes les
audaces
architecturales...
L'aventure du béton, et
plus particulièrement du
béton armé, est une
histoire à la fois
humaine et technologique.
Elle est ponctuée par
l'invention de procédés
successifs élaborés sur
le papier et testés,
puis appliqués sur le
chantier. «Matière à
débat», le béton a
surtout dû, pour obtenir
gain de cause après les
études en laboratoire et
sur la planche à dessin,
passer le cap des tests
grandeur nature:
résistance, comportement
mécanique, aptitude à
la sustentation, au
porte-à-faux et à la
construction sur pilotis,
rien ne lui a été
épargné et il s'en est
sorti vaillamment grâce
au génie des Wayss,
Cottancin, Hennebique,
Coignet, Rabut,
Freyssinet et autres
illustres bâtisseurs.
Au coeur de cette saga,
nul ne saurait oublier
les mérites de
prestigieux devanciers au
premier rang desquels
figure celui auquel nous
devons une première
description du procédé
de fabrication de la
chaux et de la
composition des mortiers:
le grand Vitruve (1er
siècle). Mais la vraie
histoire du béton armé
commence en 1849 avec
Joseph Lambot,
garde-chasse de son
état, qui imagina une
barque grâce au
procédé de
«combinaison de fer et
ciment destiné à
remplacer le bois».
Puis, de 1892 à la
Circulaire ministérielle
sur l'emploi du béton
armé (20 octobre 1906),
pas moins de 262 brevets
relatifs au béton armé
ont été déposés en
France. En attendant bien
sûr l'invention qui
allait à nouveau
révolutionner l'univers
de la construction : le
béton précontraint
imaginé par Eugène
Freyssinet (1879-1962).
«L'histoire du béton,
conclut Cyrille Simonnet,
n'est autre chose qu'une
histoire humaine.» Merci
à l'auteur pour cet
indispensable ouvrage de
mémoire qui fait honneur
aux Bâtisseurs de tous
les temps. Un ouvrage qui
nous met en mesure de
«discerner le formidable
capital d'humanité que
cache le plus
discrédité des
matériaux».
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