François Hollande, président de la
République française à l'ONU, mardi 24
septembre 2013
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Lhonneur de lONU, cest
dagir partout où la liberté des peuples
est bafouée. Lhonneur de lONU,
cest dagir là où les droits
fondamentaux sont compromis. Lhonneur de
lONU, cest dintervenir là où
lextrémisme menace la sécurité du monde.
Lhonneur de lONU, cest
dagir pour la paix.
Et en Syrie, il y a urgence.
Urgence car 120 000 personnes sont mortes depuis
deux ans et demi. 90 000 sur la seule année qui
vient de sécouler. Un quart de la
population est déplacé. Des millions de Syriens
se sont réfugiés. Et le pays est détruit.
Le pire sest produit le 21 août, à Damas,
puisque ce jour-là, les armes chimiques ont
été utilisées contre des civils, des femmes,
des enfants.
Les inspecteurs de lONU, ceux-là mêmes
que nous avons envoyés dans le cadre de notre
organisation, ont établi de manière sûre et
incontestable lutilisation de ces armes.
Face à ce crime terrifiant, la France a voulu
une réaction forte pour sanctionner une
violation du droit international, mais aussi pour
dissuader le régime de Bachar Al-Assad de
commettre de nouveaux massacres. Cette pression
que mon pays a effectuée avec dautres, et
notamment les Etats-Unis, a produit de premiers
résultats, puisquaujourdhui même,
une négociation est engagée pour assurer la
vérification et la destruction des armes
chimiques.
Mais pour aller jusquau bout de cette
négociation, je pose trois exigences.
La première, cest que le texte ouvre
clairement la possibilité pour le Conseil de
sécurité de se saisir à tout moment de cette
question sur les armes chimiques.
La seconde exigence, cest que la
résolution que nous préparons puisse prévoir
des mesures coercitives, cest-à-dire sous
chapitre 7, en cas de non-respect des engagements
par le régime syrien. Cest dailleurs
ce que laccord lui-même qui a été signé
entre les Russes et les Américains prévoit.
Raison de plus pour le transposer dans la
résolution.
La troisième exigence cest que ceux qui
ont commis ces crimes soient tenus responsables
devant la justice.
Mais au-delà de cette résolution, dont
ladoption doit être proche, nous ne
pouvons pas nous arrêter. Nous devons faire
cesser cette guerre, qui est la plus meurtrière
depuis le début de ce siècle. La solution est
politique et trop de temps a été perdu. Et je
ne reviens pas sur les blocages du Conseil de
sécurité. Durant cette période, non seulement
le régime a pu multiplier les violences, mais
les groupes terroristes ont tiré avantage de
linertie de la communauté internationale,
au détriment des forces démocratiques
regroupées au sein de la coalition nationale
syrienne. Cest la raison pour laquelle
Genève II doit se tenir dans les meilleurs
délais. Mais pour la France, Genève II
nest pas une réunion pour parler, ce doit
être une conférence pour décider.
Quel est lobjectif ? Installer un
gouvernement de transition doté de tous les
pouvoirs exécutifs, et dont la mission pourrait
être de rétablir la paix civile, de protéger
toutes les communautés et dorganiser, le
moment venu, des élections. Parfois, je suis
interrogé sur les participants à cette
conférence. Ma réponse est simple : sont les
bienvenus tous les pays, je dis bien tous les
pays, qui acceptent cet objectif, installer un
gouvernement de transition, et reconnaissent
clairement leur attachement à une solution
politique.
L'urgence, elle est aussi humanitaire. En Syrie,
les déplacés se comptent par millions, et les
réfugiés, maintenant, sont plus dun
million cinq cent mille, répartis entre la
Turquie, la Jordanie et le Liban. Liban, où la
prolongation de la crise menace directement
lunité et la sécurité de ce pays. Près
de 20% de la population est désormais
dorigine syrienne.
Je remercie le Secrétaire général, M. BAN
Ki-moon, davoir organisé la première
réunion du groupe international de soutien au
Liban. La France est attachée à ce pays, parce
que nous savons combien il a souffert, ces
dernières années, des désordres du Proche
Orient, et combien il doit être appuyé
aujourdhui dans ses efforts pour accueillir
les réfugiés.
Il y a dans cette région du Moyen Orient de
graves préoccupations, mais il y a aussi des
lueurs despoir.
La première, cest la reprise de la
négociation entre Israéliens et Palestiniens.
Elle seule permettra daboutir à la paix.
Elle passe par la coexistence de deux Etats de
part et dautre de frontières sûres et
reconnues. Et nous devons tout faire pour que
loccasion qui se présente maintenant pour
les Israéliens, pour les Palestiniens, pour
lensemble de la région, soit enfin saisie
pour en terminer avec un conflit dont nous savons
parfaitement, les uns et les autres, quil a
des répercussions aux plans régional et
international. Négocier la paix entre
Israéliens et Palestiniens, ce serait un acte
historique.
La seconde lueur, cest les déclarations du
nouveau Président iranien, car elles marquent
une évolution. Je ne veux pas les exagérer,
mais la question, maintenant, qui est posée, est
de savoir si ces mots peuvent se traduire en
actes, notamment dans le dossier nucléaire.
Depuis dix ans, les discussions navancent
pas, au point que la communauté internationale a
été amenée à prendre des sanctions de plus en
plus sévères. Cette situation est dangereuse,
nous le savons tous. Alors, la France attend de
lIran des gestes concrets qui témoigneront
que ce pays renonce à son programme nucléaire
militaire, même sil a parfaitement le
droit de poursuivre son programme civil.
Cest pourquoi jai fait le choix
dun dialogue direct et franc avec le
Président ROHANI. Mais je le dis aussi à cette
tribune : autant je suis pour le dialogue, autant
je reste ferme sur la question majeure de la
prolifération nucléaire.
Le Moyen Orient nest pas la seule région
qui nous préoccupe. LAfrique est la proie
du terrorisme. Lattaque barbare de Nairobi
nous le confirme une fois encore, et
tragiquement.
Des victoires sont possibles contre le
terrorisme. Ainsi au Mali, avec un mandat clair
du Conseil de sécurité, les forces africaines,
françaises, avec lappui des Européens,
sont intervenues à lappel des autorités
de Bamako, et ont réussi à mettre un terme à
une offensive terroriste de grande envergure.
Aujourdhui les résultats sont là. Le Mali
a retrouvé lintégrité de son territoire,
a assuré la sécurité de la population et a pu
même organiser à la date prévue une élection
présidentielle qui a été reconnue comme
incontestable. Je veux saluer ici le nouveau
Président du Mali, Ibrahim Boubacar KEITA, qui
témoigne dune grande victoire de
lAfrique de lOuest contre le
terrorisme.
Mais la menace continue de peser dans le Sahel,
mais également en Libye où les armes circulent,
où des groupes terroristes ont trouvé refuge.
Là encore, nous devons aider les autorités de
la Libye à assurer la sécurité de leur
territoire et de leur population. La France y est
prête.
Je veux lancer maintenant un cri dalerte,
comme je lavais fait lannée
dernière sur le Mali. Lalerte concerne la
Centrafrique, petit pays ravagé depuis trop
dannées par des coups dEtats et des
conflits. Aujourd'hui, cest le chaos qui
sest installé. Les populations civiles une
fois encore en sont les victimes. Nous devons
mettre un terme à ces exactions qui prennent
dailleurs aussi une forme confessionnelle.
Cest pourquoi je souhaite que le Conseil de
sécurité donne mandat et accorde des moyens
logistiques et financiers à une force africaine
dont la première mission serait de rétablir la
stabilité en Centrafrique.
En République démocratique du Congo, des
femmes, des enfants sont violentés chaque jour
dans les Kivus. Là encore, il est impératif que
nous continuions à renforcer la MONUSCO, à
appliquer laccord d'Addis Abeba, et à
refuser toutes les ingérences extérieures.
***
Nous devons tirer les expériences de ces
dernières années.
Partout où le désordre règne, le terrorisme
s'installe et prend de l'ampleur. Cest le
cas en Somalie. Lattaque contre le Kenya
nous rappelle que les groupes Shebabs, même
sils ont été vaincus, nont pas
encore été éradiqués.
Cest pourquoi la communauté internationale
doit aider les Etats africains à se protéger.
La France organisera à la fin de lannée
une réunion pour la paix et la sécurité en
Afrique. Elle y a invité tous les pays
africains. LEurope sera représentée.
LONU également. Il sagit de
permettre lencadrement, la formation,
léquipement des armées africaines pour
assurer elle-même la sécurité du continent,
lutter contre tous les trafics, notamment de
drogue et contre la piraterie. Les Africains
doivent assurer eux-mêmes leur sécurité. Mais
nous ne pouvons pas les laisser seuls face aux
risques terroristes.
La meilleure de nos armes, cest la
politique en faveur du développement.
Car la pauvreté, le chômage, les inégalités
fournissent le terreau le plus fertile, hélas,
à la violence et à linsécurité. Là
encore, la France appelle la mobilisation de la
communauté internationale à travers de nouveaux
fonds quil nous faudrait créer pour
financer les infrastructures indispensables et
permettre laccès aux biens publics
essentiels.
La France milite, avec lEurope, pour
lintroduction de financements innovants.
Tout dabord la taxe sur les billets
davion qui bénéficie à UNITAID et qui
rapporte 1 milliard deuros depuis 2006. Mon
pays a décidé daugmenter de 10% encore
cette taxe pour améliorer encore ce que nous
pouvons faire pour lutter contre les grandes
pandémies (le Sida, la tuberculose, le
paludisme).
La France, également avec lEurope, a
instauré une taxe sur les transactions
financières et jai décidé den
affecter 10% de ses recettes à des actions dans
le domaine du développement, de laccès à
leau et des énergies renouvelables. Parce
que cest ainsi que nous permettrons, par le
développement, aux pays les plus pauvres
dassurer leur avenir et donc leur
sécurité.
Et aussi de pouvoir répondre à lenjeu du
réchauffement climatique qui nous concerne tous.
La France a dit sa disponibilité pour accueillir
la Conférence sur le climat. Là aussi, il y a
menace sur notre propre sécurité. Parce que les
rapports se succèdent les uns les autres et ils
disent tous que si nous ne faisons rien, à la
fin de ce siècle, la température de notre
planète aura augmenté de 3 à 4 degrés. Avec
la conséquence que lon sait : inondation
ici, sécheresse ailleurs. Avec des menaces
directes pour la paix dans le monde.
Alors nous devons chercher un accord lors de
cette conférence sur le climat en 2015. Les
bases de ce compromis sont connues. Laccord
devra être équitable. Chacun devra en prendre
sa part.
Les pays développés qui devront bien sûr faire
leffort le plus important.
Les pays émergents qui ne doivent pas mettre en
cause leur développement mais aussi comprendre
que le réchauffement climatique les menaces
directement.
Enfin, les pays les moins avancés, les plus
fragiles, les plus vulnérables, doivent être
aidés dans cette mutation. Cest le sens du
fonds vert pour le climat créé à Durban.
Cet accord doit être aussi contraignant. Il ne
peut pas être simplement le rappel de principes,
il ne peut pas être simplement
lincantation dans des résolutions qui
nauraient pas de traduction concrète.
Parce que sil ny a pas
dévaluation, sil ny a pas de
sanctions, il ny aura pas de progrès. Et
donc il y aura la montée inexorable du
réchauffement climatique.
**
Mesdames et Messieurs,
Mon message est simple. Dans tous les domaines,
la sécurité internationale, la prolifération
nucléaire, le développement, le climat, le pire
risque est linaction. La pire décision est
de ne pas en prendre. Le pire danger est de ne
pas le voir.
La responsabilité de lONU est dagir.
Et chaque fois que notre organisation se révèle
impuissante cest la paix qui en est la
première. C'est la raison pour laquelle je
propose quun code de bonne conduite puisse
être défini entre les membres permanents du
Conseil de sécurité et quen cas de crime
de masse, ils puissent décider de renoncer
collectivement à leur droit de veto.
Je souhaite enfin que les pouvoirs
denquête du Secrétaire général soient
renforcés et que lONU puisse, comme elle
la fait en Syrie, établir partout la
vérité, mener les enquêtes et agir en
conséquence. Notre assemblée peut
souverainement le décider.
Notre crédibilité repose sur notre capacité à
intervenir vite et efficacement pour faire
respecter le droit international, pour
sanctionner les manquements, pour promouvoir le
développement, pour préserver les générations
futures.
Nous en avons la légitimité. Nous lavons
reçue de la charte des Nations unies. Nous
devons en être dignes.
Cest dans ce cadre que la France prendra
toujours et sur tous les sujets ses
responsabilités.
Je vous remercie.
Source officielle : Présidence la République
française
Source : Fil-info-France édition datée du mercredi 25 septembre 2013
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http://www.fil-info-france.com/fil_info_diplomatie_texte_integral_et_video_discours_Francois_Hollande_onu_24_septembre_2013_Fil-info-France.htm
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"Je suis de la couleur de ceux qu'on
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