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De notre correspondant à Paris, Patricia SAINT CLEMENT


Industrie chimique, illusions industrielles perdues - 31 octobre 2014


La chimie est partout. Plus que jamais elle conditionne notre quotidien. Pas un jour sans qu'on puisse s'en passer, des gants en caoutchouc, à la colle, des pneus à tous ces objets en plastique qui servent notre appétit de gadgets plus ou moins utiles. Elle sert à tous, elle est à la base de la vie moderne, sans une chimie performante, pas de PVC, donc pas d'efficacité énergétique. Sans une chimie innovante, il n'y a pas de nouveaux carburants. Sans une chimie exigeante pas d'amélioration des systèmes de cultures, donc pas la suffisance alimentaire que nous connaissons aujourd'hui.

Pourtant, depuis plusieurs années, elle est souvent critiquée, mise au banc des accusés, elle est jugée trop dangereuse, trop sale, trop industrielle peut-être ! Ceux qui y travaillent sont dans leur immense majorité attachés à leurs métiers, à leur savoir-faire, impliqués dans son amélioration et dans la sécurité. Mais sa rentabilité est insuffisante par rapport aux attentes - légitimes ou non - de ceux qui la dirigent ou la capitalisent.

L'industrie de tous les procès

Depuis dix ans, le visage de la chimie française a beaucoup changé. Il a changé parce qu'en l'espace d'une seconde ces métiers ont volé en éclat ; en même temps que l'usine AZF à Toulouse, le 21 septembre 2001. Comme si l'usine qui pendant 90 ans avait fait la fierté de Toulouse et assuré la fabrication de ces nitrates d'ammonium, qui après-guerre avait permis d'atteindre notre autosuffisance alimentaire, avait en explosant sapée les fondations de tout le secteur.

La justice a tranché mais le procès d'intention mené par des procureurs sans visage, dès l'après-midi du drame, fut sans doute le plus terrible. Leur thématique préférée : les usines dans les villes ne sont pas acceptables. Ces avocats généraux amateurs, avec une mauvaise foi confondante, oublient à dessein que l'inverse est plutôt vrai. Ce sont les villes qui sans cesse rattrapent les installations industrielles et classées Seveso, et on peut d'ailleurs se demander quels intérêts servaient les collectivités locales et les préfectures qui pendant longtemps ont délivré des permis de construire à proximité immédiate de tels sites, en premier lieu à leurs salariés. Le procès en industrie, la France le fait depuis longtemps.

Contrairement à la Grande Bretagne et à l'Allemagne, notre pays a des doutes sur sa réalité industrielle. La France s'estime plus présentable en pays du tertiaire et du tourisme. Ces usines sont sales, les produits collent, s'agrègent, réagissent. Certaines manipulations sont d'une incongrue complexité et d'un danger sans nom. Oui ! Une usine classée c'est dangereux, un vapocraqueur de pétrochimie c'est une bombe, mais une bombe maîtrisée ! Oui ! On ne peut pas traiter des produits qui ne sont pas compatibles sur un même site parce que la moindre erreur peut être fatale. Oui ! Ces produits ont un impact sur l'environnement même si depuis des années, leur fabrication est plus propre et les risques de pollution traités. Même si les chimistes poursuivent leur recherche pour une chimie verte qui est l'avenir et qui sera nécessaire demain. Enfin non ! Les salariés de ces usines n'ont aucun amour pour le danger et pour le risque et oui, ils se préoccupent de la sécurité en permanence, parce que chaque incident, chaque accident est pour eux une remise en cause, un drame humain et une difficulté à surmonter.

Dans ce procès, toutes les chimies et tous les chimistes ne sont pas logés à la même enseigne. La France n'aime pas la chimie de base, celle des matières premières. Elle n'a rien à dire en revanche contre la chimie quand il s'agit du médicament, quand elle permet d'accrocher son cadre « sans clou, ni vis » ou une meilleure isolation de la maison ! Pourtant pour en arriver là, il faut invariablement du pétrole et de la chimie lourde ! Le procès enfin en manque de rentabilité. Il ne concerne pas les consommateurs, plutôt les industriels ou leurs actionnaires. La chimie en France c'était un secteur énorme une sorte « d'état particulier ».

La chimie française c'est Rhône Poulenc et Atochem, Péchiney et Solvay. C'est encore Sanofi, Arkema, c'est aussi les pneus de Michelin, le caoutchouc d'Hustchinson. Depuis, les fusions ratées, celles très bien réussies, ont eu tendance à limiter le nombre et la notoriété de ces entreprises, à les effacer peu à peu du paysage. Depuis dix ans, le secteur est frappé par la hausse des matières premières, les rendements ne sont plus suffisants, et des politiques financières où le profit à court terme prime ont eu tendance à la faire disparaître. Total avait hérité des activités chimiques de Fina et d'Elf. En 1999, il n'y avait pas un secteur des produits chimiques dérivés du pétrole qui lui échappait et cela allait loin jusqu'aux gants Mappa ou aux pneus de vélo par exemple. Au milieu des années 2000, le groupe engagea un premier changement stratégique, transférant une immense majorité de ces activités dans Arkema. Le groupe conserva la pétrochimie, qu'il décida, il y a trois ans, de réorganiser en jumelant cette activité avec le raffinage.

Les premiers changements importants se concentrèrent à Gonfreville-Lorcher, un milliard d'euros d'investissement nécessaire pour faire évoluer les productions et jumeler la raffinerie et l'usine de pétrochimie voisine, puis Anvers (Belgique). Le groupe conserva aussi quelques filiales pour des raisons diverses, GPN puisqu'elle était mise en examen dans le dossier AZF, d'autres parce que leur niveau de rentabilité était satisfaisant. Depuis début 2014 et en quelques mois, changement de cap. Le groupe a annoncé les cessions de GPN (engrais) à l'Autrichien Borealis, de CCP Composites (résines complexes) à l'Italien Polynt et la semaine dernière la vente de Bostik à Arkema. Le coordinateur CGT du groupe, Eric Sellini s'inquiète d'ailleurs de l'avenir de Hutchinson. Il faut reconnaître que ces opérations se font par des accords avec des professionnels des métiers concernés, des groupes performants, peu présents en France, ce qui semble être une garantie pour l'avenir des salariés. Sur le plan social, l'ANI, comme le dénoncent la CGT et le Front de Gauche, vient à l'aide des entreprises et permet « d'adoucir » les plans de sauvegarde de l'emploi.

Le problème est qu'à l'exception de la très rentable Bostik dont le repreneur serait Arkema pour 1,7 milliard d'euros, les autres filiales, CCP Composites et GPN seront désormais détenues par des groupes étrangers. A terme, n'a-t-il pas un risque de voir la France devenir dépendante de produits qu'elle fabriquait, parfois depuis un siècle ? Il faut aussi espérer que ces cessions ne soient pas des miroirs aux alouettes ! Ces derniers mois, certaines cessions sont devenues des cauchemars. C'est le cas de Kem One (PVC) Quand il y a moins de deux ans, Arkema décide de céder son pôle vinylique, il choisit l'opérateur qui semblait être une sorte de bon génie sous l'ère Sarkozy-Besson, un certain Gary Klesh. Le groupe présentait cette opération comme positive, les salariés n'avaient rien à craindre. Arkema octroya même au repreneur un fonds de roulement et des avantages en trésorerie tout à fait intéressant ! Dix-huit mois plus tard, alerte générale, Kem One est au bord de la faillite. Non seulement la trésorerie de 300 millions, laissée par Arkema en partant, a disparu, mais les fournisseurs ne sont pas payés, les organismes sociaux non plus ou partiellement. Plus de 2000 emplois directs sont menacés.

Une note du CGIET, (Conseil Général de l'industrie et des technologies) avance même que la défaillance des usines Kem One, situées à proximité de l'étang de Berre (Bouche du Rhône), pourrait avoir des conséquences majeures sur l'ensemble de la filière pétrochimique et provoquer la perte des dizaines de milliers d'emplois. L'Etat réagit, à moins qu'il ne faille dire, le Préfet de la Région Rhône Alpes où se trouvent deux sites essentiels et le siège du groupe -, Jean-François Carenco, réagit. Des repreneurs sont cherchés. Comme dans chaque opération de ce genre, les syndicats deviennent de bureau des réclamations et des propositions.

Le délégué CGT, Philippe Lemarchand, cherche les meilleures solutions. Les dates butoirs se succèdent jusqu'à ce qu'une solution apparaisse pour sauver les 2000 salariés, quelques jours avant la décision du Tribunal de Commerce de Lyon. Le fonds d'investissement Open Gate Capital et l'industriel Alain de Krasny rendent vie au groupe. Le problème n'est pourtant pas encore tout à fait résolu, son ancien propriétaire, Gary Klesh, n'a toujours pas tenu les engagements qu'il avait pris sur la cession la partie la plus rentable de l'activité pour un euro symbolique. La justice s'est occupée de lui, il fait des promesses, mais les promesses ! Elles pourraient disparaître, d'autant plus que la Commission Européenne vient d'ouvrir une enquête sur les aides d'Etat apportées par la France dans ce dossier ! Le pire n'est jamais sûr !

En ce qui concerne l'industrie chimique française on peut en douter. Parce que des menaces se précisent, sur les activités amont et surtout le raffinage. La fin du moratoire, signé par Total en 2010 pour cinq ans, fait craindre aux salariés de nombreuses restructurations. Les cinq sites français perdent des fortunes chaque année. Les investissements sont insuffisants pour les transformer et les rendre plus rentables. En 2010, tous les voyants étaient au rouge, d'après les pétroliers représentés par l'UFIP (Union Française des Industries Pétrolières), aujourd'hui, c'est pire ! Les marges se sont effondrées et les débouchés sont moins nombreux, la consommation de cesse de décroître en Europe.

Pendant ce moratoire, trois raffineries ont définitivement fermé leurs portes. Les pétroliers ne pointent pas encore les politiques en faveur de l'environnement et la transition énergétique pour expliquer qu'il faut passer à l'action, mais tous le pensent très fort. Total par exemple préfère investir dans les pays producteurs comme il vient de le faire en participant à la construction de la raffinerie géante de Juba en Arabie Saoudite. Exxon et Ineos Petrochina pourraient dans les années à venir réfléchir à leur implantation en France. Pourtant, les besoins de consommation en France sont de moins en moins bien couverts, les importations de produits raffinés n'ont en effet jamais été aussi importantes, plus de 40 millions de tonnes en 2013. Si les raffineries sont restructurées ou fermées, c'est aussi la pétrochimie qui va s'effondrer. La majorité de sa production sera concurrencée dans les années à venir par des produits fabriqués à partir de gaz et surtout de gaz de schiste américain, moins chers et faciles à importer. Ineos (groupe suisse) fait construire un terminal en Norvège pour les réceptionner.

Pendant ce temps, la France décide de fermer le dossier sans même l'avoir ouvert sérieusement. Au mois de septembre la direction de Total a présenté aux analystes puis en CCE le virage stratégique du groupe qui se détourne clairement de la chimie. La réduction de la production en France est un fait acquis. La réduction des coûts engagée par le groupe pour convaincre des marchés inquiets, pourrait être le coup de grâce. Aldo Scalzo, secrétaire CGT du CCE, redoute que « trois sites (soient) particulièrement menacés, les raffineries de La Mède (13), Feyzin (69) et Donges (44) ».

La première cible du groupe semble être la raffinerie de La Mède, les syndicats sont divisés sur l'interprétation et les réactions nécessaires, la CGT et Sud ont été mis en minorité lorsqu'ils ont demandé le déclenchement d'un droit d'alerte alors que les autres OS voyaient dans les annonces un avenir possible et refusaient le procès d'intention. Les restructurations qui seront menées, devraient voir « certaines unités fermer, mais aussi un investissement de l'ordre de 300 millions pour permettre au site d'être rentable et d'autres activités comme les huiles bio diesel devraient y être créées », précise Franck Manchon, représentant de FO au CCE qui n'exclut cependant pas un plan de sauvegarde de l'emploi. Ces annonces pourraient ne pas être les seules en 2014.

Depuis quinze ans, notre capacité à produire des produits chimiques, que nous utilisons tous les jours, ne cesse de baisser. Depuis quinze ans, les gouvernements successifs sont muets, quand leurs décisions ne sont pas contraires à nos intérêts industriels. Le monde s'agite pour maintenir ses capacités de raffinage, parce que le raffinage c'est aussi de l'indépendance énergétique, la France non.

L'immense majorité des pays européens, y compris les plus avancés dans la transition énergétique, s ‘intéressent aux gaz de schiste, la France n'en a pas besoin !

Dans 10 ans que restera-t-il du raffinage, de la pétrochimie et des activités chimiques plus ou moins complexes, sans doute bien peu, à moins que ce soit plus un vague souvenir !

Pourtant, pour entamer son redressement économique, la France a besoin d'industries et de cette industrie, parce que : LA CHIMIE C'EST LA VIE !


Patricia SAINT CLEMENT



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