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Communiqué de l'association "Survie" du 3 août 2009



Référendum au Niger : un coup d’Etat constitutionnel passé sous silence

Le 4 août 2009, les Nigériens sont appelés par le président Mamadou Tandja à se prononcer par référendum sur une nouvelle Constitution qui lui permettra de prolonger son mandat présidentiel et de parachever son coup d’Etat constitutionnel. Cette situation plonge le pays dans l’instabilité et remet en cause des acquis démocratiques. Alors qu’une forte opposition des Nigériens eux-mêmes existe et que des efforts sont fait par certaines institutions pour trouver une issue à la crise, la France, son premier partenaire économique, reste circonspecte, à la faveur du partenariat « énergétique et stratégique ».

Après son déplacement avec la présidente d’Areva pour l’inauguration de la mine géante d’uranium à Imouraren, le gouvernement de Tandja a annoncé le 8 mai dernier la tenue d’un référendum concernant la prolongation de son mandat présidentiel, après des mois de propagande. Pour parvenir à ses fins, Tandja n’a pas hésité à créer une crise politique : face à l’avis défavorable du 25 mai 2009 donné par la Cour constitutionnelle quant à la légalité de ce référendum, il a dissous l’assemblée nationale dès le lendemain de cette annonce. Voyant l’impasse juridique et le blocage institutionnel se préciser, il s‘est octroyé les pleins pouvoirs le 26 juin. Pour ce faire, il a déclaré « activer l'article 58 de la constitution » qui permet au président, lorsque "l'indépendance de la République est menacée", de gouverner par le biais d'ordonnances et de décrets.

Les règles démocratiques et les institutions républicaines sont niés : dissolution de la cour constitutionnelle, suspension de certains articles de la Constitution considérés comme gênants, interpellations de l’opposant Mamadou Issoufou à la tête du Front de défense de la démocratie (FDD) coalition d’opposition née pendant cette crise politique et du leader de la société civile Marou Amadou. Les processus électoraux sont mis à mal : les élections communales prévues pour mi-2009 ont été repoussées. Les élections législatives, pour renouveler l’Assemblée nationale dissoute, sensées se tenir le 20 août, risquent d’être reportées, prolongeant la vacance du pouvoir législatif : l’avant projet de la nouvelle constitution affirme qu’elles se tiendront « au plus tard en octobre 2009 ». Ce processus fait fi de la volonté des Nigériens : déclaration des appels à la grève formulées par les syndicats le 17 juin puis les 23 et 24 juillet comme illégaux et la liberté des médias est mise à mal par des menaces de sanctions.

Alors que Tandja prétend être soutenu par la population, plusieurs organisations de la société civile, toutes les centrales syndicales et nombre de partis politiques sont mobilisés depuis des mois contre cette prise de pouvoir. A l’international, des acteurs ont tenté, de désamorcer la crise : ONU, Cedeao, Union Africaine, Union Européenne, en bloquant une aide budgétaire. Beaucoup d’Etats ont condamné la démarche de Tandja – les Etats-Unis, le Canada ou encore la Belgique qui menace de suspendre son aide.

Les masques sont tombés : Tandja est passé du costume de président à celui de dictateur, et pourtant, du côté français, rien ou presque n’a été dit. Fin juin, alors que Tandja s’arroge les pleins pouvoir, le quai d’Orsay fait la déclaration écrite suivante : « La France rappelle l’importance qu’elle attache au cadre constitutionnel du Niger, à la préservation de l’acquis démocratique de ce pays et à sa stabilité. »

Le schéma en cours au Niger est bien connu : alors que le respect de la démocratie est censé être un critère essentiel de l’aide française depuis le discour de la Baule du président Mitterrand en 1990, l’Etat français n’a pas réagi quand, ces dernières années, des chefs d’Etat africains sont revenus sur leurs engagements, levant la limitation du nombre de mandats présidentiels. En restant silencieux, il a encouragé d’autres chefs d'Etat africains à agir de même : ce fut notamment le cas en Tunisie (2002), en Guinée (2002), au Togo (2003), au Gabon (2003), au Tchad (2005) et très récemment au Cameroun (2008). La France, qui y exploite de nombreuses matières premières et y a des intérêts économiques considérables dans ces pays, préfère pérenniser des relations avec des dictateurs amis qui lui permettent d’exploiter à bas prix plutôt que de s’attacher aux règles démocratiques. La situation qui prévaut actuellement au Niger est la même : avec le contrat signé en janvier entre Areva et le Niger pour l’exploitation d’une nouvelle mine, la France fait cadeau de son silence à Tandja.

Le scrutin du 4 août a tout d’une mascarade : il est organisé très rapidement par une CENI reconstituée après la démission d’un certain nombre de membres opposés au référendum, appuyé par le déploiement de militaires aux quatre coins du pays par crainte de mouvements de l’opposition, sans présence d’observateurs internationaux et le fichier électoral utilisé n’a pas été actualisé. Il repose sur la mobilisation de tous les alliés du pouvoir, comme les préfets qui ont pour mission de faire en sorte que les fonctionnaires fassent tout pour que tous les votants votent OUI.

Le projet de nouvelle constitution stipule que Mamadou Tandja reste président jusqu’en 2012 et que le président devient chef de l’Etat, du gouvernement, de l’administration, des armées et de la magistrature ! Ainsi, ce serait un régime présidentiel fort, qui risque de reposer sur des atteintes aux droits humains, et à la liberté de la presse, la poursuite du conflit au Nord Niger, l’absence d’une meilleure répartition des revenus, notamment de l’uranium, la poursuite de l’exploitation de l’uranium par Areva sans souci des conséquences sociales ni écologiques.

L’association Survie demande au gouvernement français de ne pas cautionner le refendum du 4 août qui bafoue les acquis démocratiques du Niger, et de cesser d’assujettir sa politique africaine à ses intérêts économiques et stratégiques.

Association Survie
210, rue St Martin
75003 Paris

http://survie.org




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